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Édito: L’addiction fiscale de l’État…

« [Inciter] par des obligations réglementaires et fiscales, au report partiel vers d’autres moyens de transport de marchandises moins émetteurs ». C’est l’une des 149 propositions de la Convention citoyenne publiées en juillet 2020. Elle proposait la « création d’une vignette », pour certains poids lourds circulant sur les routes françaises non concédées.

Février 2021. Moins de sept mois plus tard. Projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, l’article 32 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance pour permettre la mise en place, par les régions disposant d’un domaine public routier et qui le souhaitent, d’une contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises.

Ah évidemment, dès qu’il s’agit de créer une nouvelle taxe, quelle rapidité de nos pouvoirs publics ! Quelle célérité dans l’action et l’imagination ! Quelle prolixité ! L’État est d’une efficacité hors du commun dès qu’on lui dit « Taxes ». Aucune limite à sa créativité ministérielle… A l’inverse, il est moins diligent, c’est vrai, moins créatif aussi, quand il s’agit de mettre en place les moyens réclamés (depuis des lustres !) par la profession pour lutter contre le pillage du marché français par les adeptes du low cost ; moins imaginatif aussi quand il faut ouvrir des restaurants et des toilettes pour ceux qui assurent la vie d’un peuple pendant un confinement… !

Mais sur le principe fiscal, dès qu’il s’agit de faire payer un transporteur de marchandises, « Ay Caramba ! », le gouvernement est bien plus rapide que la petite souris du dessin animé « Speedy Gonzalès » !

L’idée novatrice est que le gouvernement puisse permettre aux régions, voire les départements, de prélever des « contributions spécifiques » qui pèseraient sur le transport routier de marchandises, à partir du moment où les véhicules empruntent le réseau routier national pris en charge et entretenu par ces collectivités locales

En outre, la mesure se voudrait écologique : « favoriser le transport des marchandises par des moyens moins émetteurs de gaz à effet de serre […] et favoriser le report modal sans désavantager les transporteurs nationaux, et en tenant compte des spécificités régionales », précise l’exposé du projet de loi.

Mais de qui se moque-t-on ?

Dans son réflexe pavlovien, l’État retrouve une forme d’addiction fiscale ! Mieux, après les tumultes des gilets jaunes et une crainte du retour des bonnets rouges, il demande aux collectivités territoriales, régionales ou départementales, d’être volontaires pour créer cette « contribution » qui ne dit pas son nom : écotaxe ! Pour l’État, pas de sevrage fiscal ! Le nouveau dispositif sera fondé sur le volontariat des régions et sur « un montant forfaitaire annuel pour autoriser les camions à rouler sur nos routes » dit-on autour de Jean Castex (La Croix 11 février 2021).

Et les volontaires se manifestent déjà : En Ile-de-France, Valérie Pécresse (Divers droite) y est favorable. « Est-ce que je prendrais la contribution poids lourds si la loi m’y autorisait ? La réponse est bien sûr oui », a déclaré la présidente de la région devant la commission de l’aménagement du territoire du Sénat le 10 février dernier. Cette taxe toucherait les poids lourds en transit, notamment les camions étrangers qui « n’apportent aucune valeur ajoutée » dans la région, « polluent, détruisent les routes et ne paient rien », a-t-elle expliqué. L’argent récolté, prévoit-elle, irait « dans l’amélioration de la route en Ile-de-France », l’installation de bornes de recharges électriques et une aide aux sociétés de transport afin de soutenir le verdissement de leurs flottes. « Les promesses n’engagent que ceux qui les croient… » disait l’ancien ministre Charles Pasqua…

Les Régions Grand-Est (Divers droite), Franche-Comté-Bourgogne (PS) et Nouvelle Aquitaine (PS) se sont dites aussi favorables à cette écotaxe… [Pardon] Cette contribution !

A l’inverse, Xavier Bertrand (Div. Droite) pour les Hauts-de-France, Loïc Chesnais-Girard (PS) pour la Bretagne, Hervé Morin (Centre) pour la Normandie se sont dits opposés à cette mesure.

Au-delà des promesses et des effets d’annonces, il faudra faire face aux questions de la compatibilité avec le droit : constitutionnel d’abord (article 38 de la Constitution) et européen, ensuite, notamment en ce qui concerne l’idée de la seule taxation des camions étrangers en transit… sans parler des coûts d’investissements, de la cohérence territoriale entre les régions au regard de l’égalité devant l’impôt…

Mais jamais !

Jamais les transporteurs n’accepteront ces « contributions ». Dès 2014, l’OTRE l’a dit lors du combat contre l’écotaxe. Jamais les hausses de la fiscalité proposées ne permettront d’atteindre les buts poursuivis ! Comment une mesure fiscale peut favoriser le report modal ? Comment contribuera-t-elle au financement des infrastructures et accélérera la conversion écologique des véhicules ? Rien !

Quand l’État comprendra-t-il que ce n’est pas la taxation qui motive. Ce qu’il est urgent de faire c’est de soutenir les transporteurs routiers dans cette transition énergétique qu’ils défendent et veulent eux aussi.

Ce dispositif de l’article 32 est non seulement inefficace mais – disons-le- il est stupide ! Sur un sujet majeur, celui de la lutte contre le réchauffement climatique, il braque toute une profession essentielle à la vie de la France.  C’est une entreprise, une lutte commune pas au détriment des uns qui seraient davantage coupables. Oui, stupide parce que ces mesures vont au final se retourner contre ceux qu’elles veulent servir : car qui peut croire que les victimes collatérales économiques de ce « matraquage fiscal » des entreprises du TRM ne seront pas les consommateurs ?

Philippe BONNEAU